jeudi 14 septembre 2017

Inachevé 017: Aimer


Il t’a séduit avec ce portrait au crayon portant cette estampille apparemment naïve : « una persona che apprezzo molto ». En y repensant, rien n’est plus poétique que la représentation fidèle (à quelques reflets près) du visage des lecteurs que l’on prétend apprécier « vraiment beaucoup ». Narcisse, je n’ai jamais été, né sans la clarté de visage adéquate, la « propreté » liminaire à toute demande en mariage.
« Lovely friends » ou peut être autre chose… Finalement, tout dépend de qui raconte l’histoire, de ce qu’on croit avoir vécu, ce que notre esprit conçoit comme acceptable… Tu es restée là pendant des mois à admirer ton reflet, son reflet, en le serrant désespérément dans tes bras, comme pour exorciser la réalité d’une autre qui te hantait et te faisait pleurer. Au fond tu as toujours su que cette autre avait sur lui une emprise que tu n’aurais jamais, que tu as désespérément voulu avoir. Tu as tout donné, est allée à toutes les fêtes, les beuveries, les orgies au nom d’une jeunesse qui passe terriblement vite, au nom du juteux carpe diem.
Ne me dis pas que tu ne l’as pas aimé.
Maintenant, je suis là près du feu, à ressasser ton passé et le mien aussi, à me demander s’ils sont digestes.
Toi qui as tant aimé
Ne me dis pas que tu ne m’as pas aimé

mercredi 13 septembre 2017

Inachevé 016: Notre Père

Ai toujours eu une relation compliquée avec ce père lointain, absent et que j’essayais de trouver dans le regard de chaque homme respectable qui croisait mon chemin. Sauf qu’en dépit des apparences, on n’est jamais aussi respectable qu’on le prétend. Souvent, tout s’achevait par le rire dubitatif de mes cousins ; parfois, par le meurtre sanglant d’une épouse en prélude au suicide du père spirituel. Récemment, tu es revenu, porteur d’un message sur une maladie contractée pendant l’enfance, mais je n’ai pas compris. Le langage des suicidés est ardu et métaphorique. Agathe m’a aidé à comprendre, ou du moins a essayé, en débitant mots sur mots jusqu’à sortir du cadre du rêve. Au final, on ne peut que s’inventer un père. C’est ce que font continuellement les humains : se définir un père, souterrain, terrestre, divin. Et dans cette quête, on comprend que la vraie question n’est peut-être pas celle du père qu’on n’a pas eu, mais plutôt de celui que nous serons éventuellement.